L'Excelsior du 17 avril 1912

L'Excelsior 17/04/1912 Dans la matinée d'hier se confirmait l'effroyable nouvelle que signalaient nos dépêches de la deuxième édition : l'accident du Titanic devenait une catastrophe sans précédent. Dans le choc de l'immense paquebot avec la banquise irrésistible, environ 1.500 passagers ont trouvé la mort; plus de 800 ont été sauvés par la T.S.F., qui permit au navire Carpathia d'arriver sur les lieux du désastre assez à temps pour secourir ceux qu'avaient pu contenir les chaloupes. La conduite de l'opérateur du sans fil à bord du Titanic, M. Phillips, a été admirable. C'est grâce à lui que la catastrophe ne fut pas absolument générale. Rien ne saurait d'ailleurs donner une idée plus émouvante de ce qu'accomplit cet homme sur le paquebot béant que cette simple dépêche de son collègue à la station Marconi de Cape-Race: "Il (M. Phillips) paraissait absolument de sang-froid; ses signaux ont constamment été très nets, et il a agi du mieux possible."


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L'Excelsior 17/04/1912
Lorsque les navires appelés par le "Titanic" arrivèrent à son secours, il était trop tard.
715 passagers seulement purent trouver place dans les embarcations trop peu nombreuses du bard.
Nos lecteurs ont appris, par la seconde édition que nous avons publiée dans la nuit d'hier comment la catastrophe — que l'on croyait n'avoir été qu'un désastre d'argent — était devenue, en quelques heures, la plus effroyable hécatombe d'existence humaines que les annales maritimes aient enregistrée.
Les nouvelles rassurantes lancées tout d'abord émanaient des agents de la White Star à New-York ; elles exprimaient leurs désirs, mais non la réalité Et la réalité est navrante, elle dépasse en horreur tous les naufrages précédents, tant à cause du nombre des victimes que par les circonstances terribles dans lesquelles le drame s'est déroulé.
C'est, d'abord, l'accident banal : le paquebot, longeant à toute vitesse le banc de Terre-Neuve, ressent un choc violent; il a rencontré un iceberg, peu élevé sur la mer ou dérivant entre deux eaux. Le navire est déchiré à l'avant ; il « pique du nez ». Mais de telles avaries ne sont pas absolument rares. On a confiance en l'expérience du commandant, et l'on met tout en oeuvre pour aveugler la voie d'eau : fermeture des cloisons étanches, mise en place de paillets, pompes d'épuisement, etc. Pourtant, ces moyens sont insuffisants ; l'eau gagne toujours, il faut donc songer à l'évacuation du navire. On l'organise dans le plus grand ordre: 700 femmes prennent place dans les embarcations du bord. Mais il reste 1,800 personnes!... Et c'est l'affreux malheur, les «sans fil» appelant désespérément au secours des navires proches qui n'ont pas le temps d'arriver ; et, dans la nuit, le paquebot qui coule, engloutissant les officiers, l'équipage et tous les passagers restés à bord, sous les yeux des femmes et des enfants pressés dans les canots de sauvetage. Comment décrire ces heures poignantes ?...
Comment faire revivre cette minute affolante, entre toutes tragique, de la séparation : cette déchirante, solennelle et volontaire dissociation de gens également valides, également épris du bonheur et du besoin de vivre et dont les uns allaient vers le salut, tandis que les autres, se sacrifiant avec un héroïsme sombre, devaient descendre lentement dans les glauques abîmes de la mort ?
Des gens unis, de jeunes époux se trouvaient, en pleine joie, en pleine santé, brutalement divises par une justice sans appel : celle du sacrifice que commandent les événements impérieux. Ceux qui devaient attendre durant quatre interminables heures le lointain salut que toutes leurs forces espéraient, assistèrent ainsi à la lente agonie, à l'ensevelissement atroce de toutes ces vies humaines, dont quelques-unes avaient fait si intimement partie de la leur.
Trop tard !
LONDRES, 16 avril (De notre correspondant particulier, par téléphone). — L'effroyable nouvelle parvenue ce matin à Londres à 2 h. 30 et reproduite dans les dernières éditions des plus grands journaux, a été confirmée officiellement, aujourd'hui par la White Star Line. La grandeur du désastre a provoqué par toute l'Angleterre comme aux Etats-Unis une stupeur profonde.
Aujourd'hui nous savons de façon définitive que le Titanic a sombré par 3.000 mètres de profondeur et que le transatlantique-cité, orgueil des chantiers britanniques, gît, triste et inutile épave, au font des eaux. De ceux qui le conduisaient et de ceux qui le montaient, partie ont été sauvés. Le chiffre des victimes et celui des survivants sont encore mal établis.
Contrairement aux nouvelles parvenues hier, ce n'est ni le Virginian ni le Parisian qui sont arrivés à la première heure sur le lieu du sinistre. C'est le Carpathian, de la Cunar Line, qui a recueilli à son bord les naufragés du Titanic.
Dans quelle situation les a-t-il trouvés ? D'après les dépêches dont nous avons connaissance à cette heure, les passagers du transatlantique frappé à mort par la banquise avaient pris place dans les canots du navire et, par temps calme mais froid, attendaient les secours.
Lorsque le Carpathian, à toute vapeur, les eut rejoints, le Titanic avait déjà sombré depuis sept à huit heures et, seules, marquaient 1'endroit où il s'était enfoncé les mille et une épaves que le navire abandonna à la surface de la mer avant de disparaître. Sur ces épaves, plus une âme. Ceux qui avaient pu un instant se cramponner avaient été contraints de lâcher prise, les membres engourdis par le bain glacial.
Le Carpathian, après avoir recueilli la charge des frêles embarcations du Titanic, a mis le cap sur New-York, se frayant un passage à travers les banquises tandis qu'il laissait au Parisian et au Californian, arrivés sur ces entrefaites, le soin d'explorer le théatre de la catastrophe et de rechercher les derniers naufragés.
Dans les dépêches qu'il transmet ce soir par la télégraphie sans fil, le Parisian annonne que sa recherche a été vaine. Le Carpathian avait pris à son berd tous les survivants !...
D'après certains bruits, la catastrophe serait due au désir du capitaine Smith de vaincre son propre record établi précédemment sur l'Olympic. Il aurait refusé d'obliquer au sud de peur de perdre du temps.


Les disparus
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La plus grande consternation a régné aujourd'hui dans Paris lorsque les désastreuses nouvelles de New-York ont été connues.
S'il ne se trouvait pas parmi les passagers du Titanic des membres éminents de colonie américaine, un grand nombre d'entre eux étaient nos hôtes bien connus, chaque année, ou comptaient à Paris des amis et des parents.
Aussi, toute la journée, les bureaux de la White Star Line, du New-York Herald et l'ambassade des Etats-Unis ont été assiégés par une foule anxieuse.
Parmi les infortunés voyageurs qui avaient pris place sur le Titanic et qui avaient payé des prix fous pour faire avec lui ce premier voyage, se trouvaient, en dehors du colonel Astor et de sa jeune femme, M. J. Bruce Ismay, directeur de la White Star Line; sir Cosmo et lady Duff-Gordon, bien connue du monde parisien sous le nom de Lucile. Il y a à peine un mois, toutes les femmes les plus élégantes se pressaient à l'un des thés fameux où la lady couturière faisait défiler ses nouveaux modèles. Lady Duff-Gordon ne comptait ici que des sympathies.
Mr Clarence Moore, de New-York, était un joueur connu de polo et venait d'être nommé maître d'équipage des Laundaun hounds (Virginie).
Mr, Mrs Widener, de Philadelphie, avaient séjourné assez longtemps à Paris, et remportaient une admirable collection de Sèvres ; Mrs Widener était en relations avec tous les collectionneurs et tous les antiquaires parisiens.
Mr, Mrs Isidore Strauss allaient chaque hiver au Cap-Martin, où ils louaient une villa voisine de celle de Mme Louis Stern.
Le major Archibald W. Butt, aide de camp du président Taft, venait de rendre visite au roi d'Italie et au pape.
La comtesse de Rothes était partie pour rejoindre son mari, qui vient d'acheter une ferme en Californie.
Mr, Mrs William Carter revenaient de séjourner au Claridges Hôtel, à Londres. Ils comptaient beaucoup d'amis à Paris, où ils donnaient à leur passage plusieurs grandes réceptions.
Il faut citer encore : M. Robert Daniel, le banquier de Philadelphie, qui, deux jours avant son départ, montrait à ses amis un basset qu'il avait payé 5,000 francs ; M. Henry B, Harris, l'imprésario connu ; M. G. A. Simonians, président de la Banque suisse à New- York, etc., etc.

M. Stead
M. William Thomas Stead, l'une des victimes, était un publiciste des plus connus. Il dirigeait la célèbre revue Review of Reviews, qu'il avait fondée en 1890, de même qu'il fonda en 1892 l'American Review of Reviews. C'était un esprit audacieux et avancé. Il publia en 1885 un pamphlet violent intitulé : Maiden tribute of modem Babylon qui lui valut trois mois de prison. Après sa visite au tsar, en 1898, il prêcha la croisade pour la paix et publia en 1899 un ouvrage sur les Etats-Unis d'Europe. On lui doit également des études sur le mouvement ouvrier, telles que : la Guerre du travail aux Etats-Unis (1894). M. Stead avait fréquemment collaboré ces dernières années à quelques journaux radicaux de Londres, notamment au Daily Chronicle. Il s'était lancé dans de curieuses expériences de spiritisme : ce fut à lui que l'on dut, il y a un an et demi, une interview de «l'esprit» de Gladstone qui fit en Angleterre un certain bruit. M. Stead était âgé de soixante-trois ans.

Le colonel Astor
On l'appelait «colonel», mais son titre exact était «inspecteur général et lieutenant-colonel de volontaires». Il avait gagné ce titre en 1898, lors de la guerre hispano-aiméricaine, et voici dans quelles conditions : ayant aoheté de ses propres deniers une batterie d'artillerie qui lui coûta cinq cent mille francs, il l'offrit au gouvernement et servit avec un grade subalterne.
C'est lui qui fut envoyé par le général en chef au ministre de la Guerre, pour lui porter les conditions de la capitulation des Espagnols à Cuba.
Né près de New-York, le 13 juillet 1864, J. J. Astor n'est pas le propre artisan de sa grande fortune. Le fondateur de la famille et de la richesse était son arrière-grand-père, et, chose extrêmement rare en Amérique, cette fortune est presque entièrement immobilière. Astor estate (littéralement : la «succession Astor») est constituée par des terrains immenses, qui furent achetés et conservés par plusieurs générations, et cela lui donne une solidité comparable à celle des fortunes «en terres» des lords anglais ou à celle des propriétés des grands seigneur? français sous l'ancien régime. Cela est presque unique aux Etats-Unis, et seule la «succession Gœlet» (Gœlet estate} est du même genre.
Le colonel Astor épousa en premières noces, en 1891, à Philadelphie, Mlle Wil-ling. Il eut un fils et une fille. Mais, après plusieurs années, le divorce fut prononcé aux torts de l'époux. La mère garda auprès d'elle sa fille et le père son fils, Vincent Astor. Le 9 septembre dernier, J. J. Astor se remaria avec Mlle Madeleine Force, une jeune fille d'une grande beauté. Il l'épousa à Newport, sur le bateau, ayant eu quelque difficulté à trouver un clergyman pour faire le mariage, car c'est là une coutume américaine fort curieuse et peu connue en Europe, que celui des deux époux contre qui a été prononcé le divorce, est le seul à n'avoir point le droit de se remarier.
Il revenait de son voyage de noces avec cette jeune femme lorsqu'il a trouvé la mort dans la catastrophe du Titanic.
Ancien élève de Harwrd, J. J. Astor était un passionné d'automobile et un joueur de mins de fer, d'une compagnie de télégraphe. Il s'intéressait a l'utilisation des chutes du Niagara comme force motrice. Il avait inventé une machine-turbine et un frein de bicyclette et s'était efforcé de construire de bonnes routes autour de sa propriété sur l'Hudson, préoccupation assez rare en Amérique pour être signalée.
Le nombre des victimes
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(d'après les chiffres connus à une heure du matin).
Il y avait à bord :
Passagers de 1è classe ...... 325
....................... 2è .................. 285
....................... 3è ...................710
Equipage .............................. 860
Total ................................... 2.180
Sont sauvés
Passagers de 1è classe ....... 201
....................... 2è ................... 113
Equipage .............................. 401
Total ...................................... 715
Le nombre des victimes serait donc, si l'on s'en rapporte à ces chiffres, de 1,465.
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Les grands naufrages depuis cinquante ans

Voici une statistique qui donne l'étendue du désastre du Titanic, comparé à d'autres catastrophes maritimes :
Dates Nombre des victimes
1854 Le City of Glasgow 480
1870 Le croiseur Captain 500
1878 Le croiseur Eurydice 300
1878 Le navire allemand Grossner Kursuerst 300
1885 Le navire italien Regente 420
1893 Le cuirassé Victoria 360
1896 Le Drumont-Castle 247
1904 Le Général- Flocum 1.000
II faut ajouter à cette tragique énumération, la catastrophe de La Bourgogne, qui fit plus de 800 victimes, et celle du Sirio, avec un chiffre presque égal.
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Les rescapés
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Dès que le fait brutal de la catastrophe fut connu à Paris, une foule avide de détails se massa sur le seuil de la White Star Line, rue Scribe, rendant nécessaire l'organisation d'un service d'ordre.
Tout ce que l'administration de la White Star Line put faire, c'est de communiquer au public une liste des passagers qui peuvent être considères comme ayant échappé aux conséquences du naufrage. Voici les noms qui figuraient sur le télégramme qu'elle avait elle-même reçu de New-York, et dont le laconisme atténuait — dans des proportions trop faibles, hélas ! — l'étendue d'un désastre sans précèdent :
Mmes John-Jacob Astor, Edward-W. Appleton, Rose Abbott, William Clarke, H.-B. Harris, Alex Halverson, Ernest Linnes, Arthur Ryerson ; Mlles Susan-P. Ryerson et Emily-B. Ryerson; Mlles C.-M. Burns, G.-M. Burns, D. Casselbere, E.-G. Crossbie, H.-E. Crossbie, Jean Hippaet, Margarett Hayes, C.-R. Longley, Bertha Lavory, Ancrews, Manett Panhart, E.-W. Allen, Helen Wilson, Willard, Mary Wicks, Mary-C. Lines, Georgietta Amadill, Annie Ward, A. Barsina, C. Connell, G.-C. Bowen, Alice Fortune, Hilda Stayter, Lucile Carter, Roberts Cummings, Minahan. MM. B. Chibinaco, Bruce Bonay, F.-A. Kenyman, Emile Kenchen, Gustave-J. Lesueur, Thayer junior, H. Wodner, M.-C. Rolmane, H. Blank, M. Mile, J. Flynn, H. Smith, Willian, Carter, M. et Mme Ed. Kimberley, Mme A.-F. Leader, Mme F.-M. Warner, Mme George-D. Widener et une domestique, Mme J. Stewart, Mme Sigfrid Lindstrom, Mme Melicard, Mme Tucker et une domestique, Mme J.-B. Thayer, Mmes J. Stuart White, Marie Young, Thomas Potier, Edna-S. Roberts, comtesse de Rothes, M. et Mme D.-H. Bailly, Mmes James Baxter, George-A. Bayton, J.-M. Brown, M. et Mme R.-L. Beckwith, M. et Mme L. Henry, Mmes W.-A. Hooper, Robert Douglas, Brahan, Allison jeune et nourrice.
lette liste est forcément sujette à caution, et il convient de faire des réserves aussi bien pour le nombre des survivants que pour leur exacte identité, la transmission par dépêche privée et en premier lieu par télégraphie sans fil ayant été très défectueuse.

M. Bacon devait prendre le "Titanic"
M. Bacon, ambassadeur des Etats-Unis à Paris, qui rentre à New-York, avait tout d'abord l'intention de prendre passage à bord du Titanic, mais il changea ses plans au dernier moment et s'embarquera sur la France, qui doit quitter le Havre ïe 20 avril.
Une ville flottante

Jusqu'en avril ou mai 1913, le Titanic devait être le plus grand paquebot du inonde, puisque l'lmperator, de la Hamburg Amerika, qui déplacera 50.000 tonnes, ne sera mis en service qu'à cette époque.
L'immense transatlantique mesurait exactement 268 mètres de longueur, 28 m. 192 de large et 29 m. 666 de profondeur. Il jaugeait 46.382 tonnes et il avait coûté 46 millions de francs.
De la quille au sommet des cheminées, le Titanic avait 53 mètres. Il comprenait dix étages de pont, à savoir, de bas en haut : le faux pont inférieur, le faux pont, le pont inférieur, le pont moyen, le pont supérieur, le pont des salons, le pont abri, le pont passerelle, le pont promenade et le pont des embarcations.
Le gouvernail pesait 101.250 kilos et la plus grosse ancre 15.740 kilos.
L'installation du paquebot dépassait en luxe tout ce qui a été réalisé jusqu'ici. C'était le véritable navire pour millionnaire. La grande salle à manger des premières pouvait contenir plus de 500 personnes. Salons de réception, de lecture, fumoir, véranda, escaliers monumentaux avec ascenseurs, piscine, hammam, salles d'exercices, rien n'était épargné pour faire oublier aux riches passagers les ennuis de la traversée.
L'aménagement des cabines de luxe atteignait des proportions incroyables, et c'est ainsi que le prix d'un appartement de grand luxe pour un seul voyage s'élevait à 22.150 francs.
Pour une seule traversée, il fallait embarquer des approvisionnements considérables : 35.000 livres de viande fraîche, 25.000 livres de volaille, 35.000 œufs, 5 tonnes de sucre, 250 barils de farine, 150.000 bouteilles de bière, 20.000 bouteilles de vin, etc.
La population du paquebot
La population du Titanic pouvait atteindre 3.150 habitants se répartissant ainsi : passagers de 1ere classe, 325 ; 2e classe, 275 ; 3e classe, 1.200 ; hommes d'équipage, 800.
Pour son premier voyage, le Titanic emmenait 2.490 passagers et matelots.
Il y avait 140 passagères en première, 109 en seconde et 500 en troisième, soit un total de 749 femmes et enfants.
Or, jusqu'ici, le chiffre des sauvés est de 868. Et comme il est de règle, d'embarquer en premier lieu les femmes et les enfants, il faut donc admettre — les télégrammes reçus jusqu'ici semblent devoir confirmer cette hypothèse — qu'il y a fort peu d'hommes parmi les rescapés.
Dans le cas où un de ces transatlantiques coule avant qu'on ait pu lui porter secours. — et c'est hélas ! ce qui s'est produit pour le Titanic — les deux tiers des passagers sont donc voués à la mort.
Le "Titanic" était assuré pour 25 milions
Contrairement à ce qu'il a été prétendu, ce n'est pas uniquement avec le Lloyds, association de capitalistes indépendants, et non compagnie d'assurances, que la White Star Company, à laquelle appartenait le Titanic, a passé un contrat d'assurance. Ce n'est pas non plus une seule compagnie, mais plusieurs qui assumèrent la responsabilité d'une pareille affaire. C'est ainsi que des maisons anglaises, françaises, allemandes, voire japonaises, participèrent chacune pour une somme variable à l'assurance du paquebot. Quoique le Titanic ait coûté 60 millions, la White Star Company n'avait passé contrat que pour une somme de 25 millions, se réservant, si une catastrophe survenait, de faire subir les 35 autres millions de perte à son fonds de réserve.
Détail curieux, la White Star Company s'était assurée à des conditions fort avantageuses pour elle. C'est ainsi qu'au lieu de 6 0/0, tarif ordinaire payé annuellement lorsqu'il s'agit de navires, elle ne versait que 5 0/0.
Quoi qu'il en soit, les assureurs auront à débourser des sommes énormes. Selon notre correspondant de Londres, la cargaison du Titanic comprend des diamants qui sont évalués à un million de livres sterling, soit 25 millions de notre monnaie, et des perles appartenant à une dame américaine pour une somme supérieure à 120,000 livres sterling.
En outre, parmi les passagers du navire naufragé se trouvaient de nombreux millionnaires qui étaient assurés sur la vie pour des sommes considérables.
Comment on règle la circulation sur l'Océan
On se demande comment le télégraphiste du Titanic «savait», en envoyant ses radiotélégrammes, que des navires étaient à proximité du transatlantique géant, et quels étaient ces navires. Car il le savait, et tout le monde le savait à bord du Titanic, tout le monde attendait les secours et nul n'ignorait d'où ils pouvaient venir. Chaque jour, en effet, les passagers ont communication d'un avis conçu à peu près en ces termes :
TÉLÉGRAPHIE SANS FIL
Aujourd'hui, le «Titanic»
sera probablement en com-
munication avec tels, tels et
tels navires.
Sur quoi est basée cette affirmation ? Sur un graphique dressé chaque mois par la Compagnie Marconi, de Londres. Nous reproduisons ci-dessus le graphique du mois d'avril.
Les lignes horizontales correspondent aux ports d'où partent et où arrivent les paquebots. En haut, sont les ports du Nouveau-Continent ; en bas, les ports européens.
Les lignes verticales divisent la carte en trente parties, chacune d'elles correspondant à un jour du mois et numérotées de 1 à 30.
On conçoit alors que les lignes obliques représenteront la marche des paquebots. Ainsi, le Titanic, parti de Southainpton le 10 avril, devait arriver à New-York le 17 avril.
En tirant une ligne partant du point formé par l'intersection de la ligne horizontale Southampton avec la verticale représentant le 10 avril et aboutissant au point formé par l'intersection de la ligne horizontale New-York avec la case représentant le 17 avril on aura la représentation graphique de la marche du navire.
Si on considère cette ligne à la date du 14 avril, jour de la catastrophe, on voit que les paquebots passant dans le voisinage, d'après le graphique, sont notamment le Parisian, le Virginian, l'Océanic, le Carpathian, l'0lympique, etc., c'est-à-dire précisément ceux qui, dans la réalité, ont pu venir au secours du malheureux Titanic.
[VOIR LA SUITE PAGES 6 ET 7 / ]


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